23/10/2016
Histoire contemporaine de la Compagnie de Jésus à Cuba

C’est en 1853, après un exil de 86 ans, que la Compagnie de Jésus retourna à Cuba. Le roi Charles III d’Espagne avait en effet expulsé les jésuites de l’île par Décret Royal, en 1767. Plus tard, le 2 février 1854, la Reine Isabelle II d’Espagne fonda à La Havane, le Collège de Belen, connu en espagnol sous le nom de “Real Colegio de Belén” , en entier “Colegio de Nuestra Señora de Belén”.

La Province actuelle des Antilles devint Vice-Province cubaine en juin 1929; c’était une dépendance de la province espagnole de Leon. La Vice-Province indépendante des Antilles comprenant Cuba, la République Dominicaine et Porto Rico fut créée en juin 1952. Puerto Rico fut à son tour rattachée à la Province de New York en juillet 1959. Le 17 septembre 1961, vingt-six jésuites furent expulsés de Cuba, ce qui conduit au transfert de la Curie et du Collège de Belen à Miami. Quarante-huit jésuites restèrent sur l’île.

Le 31 juillet 1968, la Province des Antilles fut créée et le siège de la Curia fut établi à  Saint-Domingue. Cette Province jésuite comprend Cuba, la République Dominicaine et Miami. Aujourd’hui la Province est sur le chemin d’une unification avec la région de Cuba.

Pour le moment il n’y a que 26 jésuites sur l’île. Ils sont rattachés à la Province des Antilles, dans le temps basée à La Havane – au cher Collège de Belen – jusqu’à leur exil en mai 1961. Cet exil fut imposé par les communistes conduits par un ancien élève de la classe de 1945, nommé Fidel Castro. Les communistes firent subir le même sort à tous les autres ordres religieux dans l’île.

Il semble que, dans un geste de sympathie mais surtout de relations publiques, les communistes envisagent à présent de restituer à leurs propriétaires initiaux, certaines des propriétés saisies – bien qu’on soit loin de la réalisation. Il faut dire que le choix des biens à restituer est celui des communistes et qu’il semble avant tout guidé par la difficulté d’entretenir lesdits biens. À Cuba, la Compagnie de Jésus était propriétaire de plusieurs collèges, parmi lesquels celui de Montserrat, en espagnol Colegio de Nuestra Señora de Monserrat, sise à Cienfugos, sur la côte sud de Cuba. Le collège qui fut fermé par les jésuites en 1942, fonctionnait comme école primaire et secondaire. Aujourd’hui, c’est un vieux bâtiment dont les communistes veulent se débarrasser. La plus importante de toutes les écoles jésuites à Cuba, le Collège de Belen abrite pour l’instant l’Institut Technique Militaire, connu en espagnol sous le nom de “Instituto Técnico Militar” ou “ITM”. En mai 2013, ce Collège fut visité par un groupe de jésuites latino-américains conduit par le prêtre Jorge Cela sj, président de la conférence jésuite des provinciaux latino-américains en espagnol. Conferencia de Provinciales de América Latina” ou “CPAL” comme acronyme espagnol. Le père Jorge Cela sj est un jésuite cubain, ancien élève du Collège de Belen sorti en juin 1959 qui eut un rôle extrêmement important et honorable à La Havane pendant plusieurs années.

À côté de l’école de Montserrat, la Compagnie de Jésus fonda les collèges suivants : à Santiago de Cuba, la deuxième plus grande ville de l’île, il y avait le Collège de Dolores, connu en espagnol sous le nom de “Colegio de Dolores”, en entier “Colegio de Nuestra Señora de los Dolores”, fondé en 1913, qui fonctionna comme école primaire et secondaire.

Pendant une période assez brève, les frères Castro, Fidel et Raul, fréquentèrent ce collège. On dit que leur frère aîné, Ramon le fréquenta également. On a peu d’information sur sa vie ce qui s’explique par sa très modeste implication politique.

Fidel suivit l’enseignement secondaire au Collège de Belen jusqu’à la date de son diplôme en juin 1945. Comme on l’a dit plus tôt, le Collège qui fonctionnait comme école primaire et secondaire fut fondé en 1854 à La Havane ville précédemment connue en espagnol comme San Cristóbal de la Habana d’après le patron Saint Christophe de La Havane. Avec le temps, ce nom fut raccourci pour devenir La Havane.

La Compagnie de Jésus possédait un autre collège – qui fonctionna comme école primaire seulement – appelé en espagnol “Sagrado Corazón de Jesús” dans la ville de Sagua la Grande une petite ville à l’intérieur de l’île de Cuba.

Tout près du Collège de Belen à La Havane, la Compagnie de Jésus possédait aussi l’école d’électromécanique de Belen Escuela Electromecánica de Belén en espagnol qui, comme le nom le dit était consacrée à l’enseignement technique. Hormis ces institutions, il y avait une autre école primaire, détenue par la Compagnie qui était communément connue comme l’école gratuite, en espagnol, “La Gratuita”, parce qu’elle était réservée aux pauvres. Dans le même bâtiment, on proposait des cours du soir à ce qui était connu comme “ENOB”, l’acronyme espagnol de “Escuela Nocturna Obrera de Belén”. On y proposait des cours de formation pour passer l’examen d’entrée à l’école d’électromécanique. Il faut mentionner que les professeurs de l’école du soir étaient des étudiants de l’enseignement secondaire du Collège de Belen, volontaires pour donner ces cours du soir.

Hormis l’école de Monserrat qui ferma ses portes en 1942, les écoles jésuites de l’île furent fermées en mai 1961 seulement un mois après la l’invasion de la Baie des Cochons, lorsque le gouvernement communiste expulsa tous les jésuites de l’île et, ce faisant, entraîna la fermeture de leurs collèges. Seul un petit nombre de prêtres fut autorisé à rester à Cuba. Les protestants et tous les autres ordres religieux eurent à subir le même sort. Il faut mentionner que les fermetures d’écoles qui eurent lieu en mai avaient été annoncées en janvier de la même année.

Après leur expulsion de l’île, la plupart des jésuites quittèrent pour la République Dominicaine et quelques-uns pour l’Espagne. Lorsqu’ils furent expulsés ils furent escortés jusqu’au navire Covadonga, dans la baie de La Havane. Quelques-uns des jésuites expulsés purent aller jusqu’à Miami et quelques-uns jusqu’à San Juan à Porto Rico où ils purent travailler au Collège Saint Ignace Colegio San Ignacio de Loyola. Je n’ai pas de mots pour décrire la haine qui régna dans l’île contre la religion à cette époque.

Les écoles paroissiales et les écoles fondées par les maristes et les Frères de Lasalle et des autres ordres religieux connurent le même sort que les sept écoles jésuites. Considérant que le communisme a pris le pouvoir à Cuba le 1er janvier 1959, tous ces changements furent accomplis avec une grande violence et une grande soudaineté.

Comme en Argentine et dans d’autres pays, l’Eglise Catholique a prodigué beaucoup d’aide aux pauvres et a toujours été considérée comme une source d’éducation. A Cuba, elle ne reçut en retour rien d’autre que de la haine.

Le gouvernement communiste continue d’être propriétaire de tous ces biens. En plus, il possède d’autres bâtiments jésuites comme la Maison des Exercices Spirituels, Pie XII, ou le noviciat El Calvario parmi d’autres. Malheureusement, je ne sais pas à quoi le gouvernement communiste a utilisé ces bâtiments s’ils ont été utilisés comme bureaux du gouvernement ou autre chose.

Aujourd’hui, à Cuba, après plusieurs années de fermeture, beaucoup d’écoles catholiques ont été rouvertes et sont fréquentées par un grand nombre de fidèles.

À cette époque à La Havane nous vivions dans une parfaite ignorance de ce qui se passait dans le monde extérieur. Notre classe socio-économique vivait dans une bulle sans connaître rien des problèmes du monde environnant. Nous étions trop jeunes pour appréhender l’ampleur du problème. Peut-on dire que la société havanaise était aveugle au monde ? Ce n’est pas tout à fait le cas, mais personne n’avait imaginé ce qui suivit. La classe favorisée, la minorité, ne représentait pas du tout la majorité de la société cubaine. Ce n’est pas difficile à imaginer et l’histoire se répète un peu dans tous les pays, le vôtre aussi peut-être, où que vous soyez. C’est clair.

Il est un peu honteux que quelques employés et professeurs aient pris part en tant que « interventors » à la prise de contrôle des écoles qui les employaient. De même, il est malheureux que des étudiants aient partagé cette soif de pouvoir des communistes. D’autant qu’il faut souligner que la Compagnie de Jésus avait accordé des bourses à des familles dans le besoin afin de permettre à leurs enfants de bénéficier d’une bonne éducation. Mais cela n’empêcha pas le chaos de s’installer.

Ma classe aurait dû être diplômée en juin 1961, mais à cette date beaucoup d’élèves avaient quitté le pays pour des raisons politiques. Certains étaient en position délicate. Quand le collège fut pris par les communistes, pas plus de 40 restèrent sur un total d’environ 120 ou 140. J’avais déjà quitté le pays à ce moment, mais ce que je vous dis est le souvenir recueilli de première main par ceux qui restèrent : la plupart quittèrent le pays par la suite et quelques-uns rejoignirent la masse chaotique. Les jésuites furent très aimables avec ceux qui restèrent sur l’île : plusieurs nuits avant la prise du collège, ils téléphonèrent chez eux à tous les étudiants, à chacun d’eux, et leur dirent de venir au collège le lendemain afin de recevoir leur diplôme de fin d’année, une sorte de certificat indiquant qu’ils avaient terminé leurs études secondaires, en dépit du fait que le semestre n’était pas terminé et qu’il n’y aurait aucune cérémonie de remise de diplôme.

Ce geste fut réellement utile à la plupart des élèves car lorsqu’ils arrivèrent ici, à Miami, ils purent entrer à l’université immédiatement. Ce geste visionnaire fut un grand acte de générosité des jésuites et une grande faveur pour les élèves. Le temps a passé pour la classe de 1961, éparpillée dans le monde, et nous nous sommes pourtant à nouveau réunis, mais il en est certains dont nous n’avons plus jamais entendu parler.

La Compagnie put rouvrir le Collège de Belen à Miami, sous le nom de Belen Jesuit Preparatory School. Heureusement, le collège put  redevenir ce qu’il avait été grâce à l’aide d’anciens élèves et une partie de la communauté des exilés cubains qui voulaient garder   vivant l’esprit jésuite en dépit des difficultés économiques qu’ils traversèrent au début.

Comment tout cela a-t-il pu se passer à Cuba ? Les répercussions des incidents qui se déroulèrent alors se font sentir aujourd’hui encore. A cette époque, les gens ignorèrent les signes avant coureurs des dangers imminents qui allaient survenir et même crurent dans les promesses du communisme, mais la réalité fut toute autre. La nation fut aveugle à ce qui se passait.  Le peuple cubain attendait une amélioration de la situation alors que tout montrait que la réalité allait dans l’autre sens.

Si seulement la nation avait analysé le fond des choses, en examinant passé et présent, on pouvait facilement voir ce que serait le futur. Ni les idées ni les promesses de faux dieux – qui ne se préoccupent que de leur propre bien-être – n’étaient crédibles. Il est une réalité que la vie m’a fait concevoir et c’est celle-ci : il n’est pas d’économie sans paix » et de ceci nous pouvons déduire qu’il n’y a pas de nation, de bien-être ni de bonheur sans paix.

Une nation sans argent sur le chemin de la faillite, n’éructe qu’un mot : problèmes. Les Etats – Unis ne pouvaient et ne peuvent être blâmés – en dépit de toutes les accusations de nos dirigeants qui étaient en train de bâtir leur fortune à nos dépens.  La société doit être blâmée pour ce qui s’est passé à Cuba parce qu’ils ont ignoré les problèmes et leur ignorance et leur aveuglement ont créé un parfait environnement pour des criminels et des personnes de cet acabit qui bien sûr n’ont pas l’esprit constructif et ne croient pas en Dieu. Tout cela est arrivé parce que les gens craignent la critique s’ils s’engagent en politique. En fait, le problème est l’approche : il ne faut pas se politiser, il suffit d’avoir du civisme.

Par la suite, les amis se retournent contre les amis, les enfants contres les parents, les voisins contre les voisins, les amis contre les amis.

Je me souviens qu’un jour un prêtre hongrois vint au Collège et qu’il nous expliqua les méfaits du communisme en Hongrie, un endroit si loin de l’île qu’il semblait appartenir à un autre monde il et prédit ce qui pourrait se passer à Cuba si nous n’étions pas prudents. Nous ne voulûmes pas le croire, pensant que de telles choses ne pourraient jamais se passer dans notre cher Cuba.

Après l’euphorie du chaos, vinrent les règles destructrices. C’est ainsi que furent le choses à cuba et nous payons encore pour cette erreur. Et plusieurs poays subissent la même situation critique pour les mêmes raisons et plusieurs autres (certaines compréhensibles) mais le communisme n’est décidément pas la bonne voie pour résoudre des situations problématiques. Je ne nie pas l’existence de la pauvreté et l’injustice sociale ni les besoins de la société, mais je ne pense toujours pas que cela soit une justification suffisante pour permettre au  communisme de prendre le contrôle de la situation.  Que cette méthode soit plus ou moins radicale.

Je pense qu’il y a encore quelques événements qui se passèrent à Cuba depuis le début  que j’ai oublié de mentionner et qui, pensai-je, ne furent pas rendus publics à l’époque – cependant, la situation s’est déjà passée dans d’autres pays comme la Chine, l’Union Sociétique, la Hongrie, etc. qui furent sous la férule communiste.

Ce furent, par exemple :

  • La confiscation (ou, comme les communistes disent, la nationalisation, de sociétés, y compris de banques et propriétés privées, confiscation de biens et échange obligatoire de maisons
  • Réformes urbaines et foncières
  • Camps de concentration et service militaire obligatoire
  • Procès sommaires, longues sentences de prison et exécutions
  • Divisions et séparation des familles
  • Rationnements
  • Création de milices, organisation d’espionnage et de surveillance des personnes
  • de concentration et service militaire obligatoire

En cherchant sur Google (disons plutôt internet), ou regardant ce qui s’est passé à Cuba à l’époque, dans n’importe quel livre d’histoire ou à la bibliothèque il est possible d’avoir une meilleure compréhension de ces événements.

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