Les FAQ de Fe y Alegría
Comme coordinateur général de l’Association internationale Fe y Alegria, j’ai visité les 20 pays où ce mouvement a une existence légale autonome et des activités taillées pour les différents lieux dans lesquelles elle est active pour remplir notre mission. Pendant mes interviews avec les media et mes conversations avec les individus intéressés à en savoir plus sur Fe y Alegria, j’ai remarqué que – malgré la diversité des questions – les dialogues tournaient autour d’une série de questions générales que l’on pourrait appeler les “FAQ de Fe y Alegría”. Dans cet article, je voudrais définir le périmètre de ces questions importantes.
1. Quelles sont les origines de Fe y Alegría?
Les racines spirituelles d’où notre mouvement institutionnet est né et d’où il a puisé son énergie vitale pendant soixante ans jusqu’à aujourd’hui ne peuvent être passées sous silence : nos valeurs sont le fondement de nos actions, à savoir vivre et expérimenter la Foi chrétienne, précisément dans le service des pauvres et le respect actif de leur dignité. Notre œuvre fait partie de l’Eglise catholique et fut fondée à Caracas en 1955 par le père jésuite José Mª Vélaz avec l’aide de l’ouvrier de la construction Abraham Reyes et sa femme Patricia et en coopération avec un groupe d’étudiants universitaires et quelques très jeunes institutrices. Elle est actuellement placée sous la direction de la Compagnie de Jésus qui en organise les activités et en assure la représentation juridique dans chaque pays. Il s’agit en fait d’un mouvement qui promeut l’éducation et le développement social, sponsorisé par l’Eglise et porté par la coopération de 170 congrégations, pour la plupart religieuses, mais aussi par une série de groupes de laïcs actifs dans le management et l’opérationnel. Nous parlons d’un projet qui s’appuie sur la participation de 40.000 personnes de diverses origines spirituelles et d’un millier de religieux dont seulement une centaine de jésuites. Ceci suppose une acceptation partagée et continuée de charismes divers se rejoignant dans le noyau intégrateur de l’Evangile : le service des plus pauvres.
2. Pourquoi Fe y Alegría se définit-il lui-même comme un Mouvement?
Fe y Alegría se perçoit comme un Mouvement parce qu’il est un projet dédié principalement à l’action dans le domaine de l’enseignement et le développement social. Il est capable de se réinventer et de se façonner à nouveau. Nous sommes convaincus que l’éducation dans toutes ses facettes est la plus grande force de changement dans la société et est susceptible de rétablir la dignité des pauvres par la connaissance, la science, le travail, mais aussi le comportement éthique et civique. Même si la mission institutionnelle et la visión de Fe y Alegría a conservé les racines de ses príncipes fondateurs, chacun des Plans stratégiques successifs développés par son Association internationale a apporté des changements à la formulation de sa Mission et de sa Vision dans le but de mieux s’adapter à sa propre raison d’être. Pour transformer le monde d’aujourd’hui , plein de pauvreté et d’exclusion, la Mission du Mouvement donne priorité aux valeurs de justice, de liberté, de participation, de fraternité, de respect de la diversité et de la solidarité. Ce corpus de valeurs souligne le profil ouvert de la personne appelée aujourd’hui à travailler pour Fe y Alegría, à savoir un supporter enthousiaste d’un projet social qui va au-delà de l’orientation religieuse, sans nier celle-ci, et qui porte toutes les personnes vers la mission commune du Royaume de Dieu.
3. Fe y Alegría est-il un mouvement d’éducation ?
De 1985 à 2012, le nombre de personnes bénéficiant de l’aide de Fe y Alegría a crû de 285.000 à 1.500.000, et la présence globale de l’organisation s’est accrue, passant de 797 à 3.018 implantations géographiques. Malgré le fait que l’ossature de Fe y Alegria soit les écoles, 40% des bénéficiaires ne sont en réalité pas des étudiants, mais des participants à des projets sociaux comme des groupes de travail, l’éducation permanente et communautaire, la sécurité alimentaire, les groupes d’apprentissage et de production, les ateliers auto-gérés, les abris et institutions éducatives pour femmes migrantes, les maisons pour indigènes, etc. Le holisme du concept de Fe y Alegria implique que nous accomplissons toujours une tâche éducative, que ce soit au niveau élémentaire ou secondaire à l’école, à l’atelier, dans les communautés rurales ou minières, à la radio, dans le voisinage ou dans nos bureaux d’enseignement technique.
Nous avons pratiquement banni de notre vocabulaire institutionnel les mots de professeur ou d’instituteur et généralisé le terme d’éducateur, de telle manière que tous et toutes dans Fe y Alegría devenions conscients de notre participation à une mission éducative unique, de manière aussi à ce que chacun – qu’il soit directeur, secrétaire, portier, travailleur social, modérateur radio ou la cuisinière du repas de midi – comprenne que les relations se construisent toujours et partout à partir d’une attitude humaine basée sur des valeurs. Une transformation ne se réalise pas par la simple transmission d’un contenu, mais par le dévouement et le souci de comment se transmet la vie elle-même. Si nous agissons dans le monde du comment, tout individu, quelque soit le type ou le niveau de son travail, peut se sentir éducateur.
4. L’enseignement de Fe y Alegría est-il public ou privé ?
Une question passionnante à Fe y Alegría est la relation entre secteurs privé et public. Nous ne sommes pas heureux d’être considérés comme une institution privée d’éducation parce que c’est généralement connoté comme étant une éducation de classe, élitiste et confessionnelle. L’éducation que nous prodiguons est libre et laïque dans une sens positif, focalisée sur la cohabitation d’orientations spirituelles dans le contexte d’une citoyenneté démocratique et constitutionnelle. Nous choisissons la localisation de nos écoles ou de nos centres de travail social en nous basant sur l’indice de pauvreté. Aucune sélection n’a lieu sur base de l’argent, de l’intelligence (même si, par le passé, nous commîmes cette erreur) ou de la religion (malheureusement nous avons aussi commis cette erreur !).
Le plus logiquement, l’admission se pratique sur base du principe du premier-arrivé-premier-servi, dès que le ministre de l’Éducation approuve le démarrage des inscriptions. En combinant ces facteurs, nous nous considérons donc comme une institution publique d’enseignement, et ce, d’autant plus dans les écoles où le paiement des salaires des enseignants est assuré par les pouvoirs publics et celles où l’État collabore à la gestion et aux tâches opérationnelles. En fait, approximativement 85% des dépenses de notre système éducatif sont couvertes par les ressources publiques du ministère des Finances et de la Gouvernance et par les municipalités locales. L’éducation est un droit humain, protégé et balisé par l’État, dans lequel des institutions sans but lucratif, gérées par le privé, assurent un haut niveau de qualité, en collaborant et en interagissant avec l’administration publique. Nous sommes des pédagogues et des professionnels de diverses spécialités avec des diplômes reconnus officiellement et nous formons des groupes de travail basés sur notre motivation d’enseignants, dans les limites de la loi et dans le but de fournir une éducation d’excellente qualité.
5. Quels sont les rapports entre Fe y Alegría et les différents régimes politiques ?
Les rapports entre chaque implantation nationale de Fe y Alegría avec leur gouvernement respectif ont toujours été soutenus, malgré les niveaux d’engagement différents dans chaque pays, ils n’ont pas diminué, mais se sont plutôt renforcés et améliorés. Même dans les pays où les liens entre le gouvernement et l’Église sont plus lâches, le travail de Fe y Alegría est reconnu et apprécié par l’administration publique. Il est évident que dans certains milieux politiques, il n’est pas acceptable de montrer une quelconque appréciation pour un projet de l’Église – et Fe y Alegría en est un ! -, mais dans de nombreux cas ces politiciens choisissent une institution de Fe y Alegría pour l’éducation de leurs enfants, même s’ils expriment une opinion hostile à son endroit.
D’un autre côté, il est clair qu’aucun président latino-américain – et espérons-le, on peut en dire autant de leurs contre-parties africaines – n’a jamais publiquement évoqué ou manifesté une opposition à Fe y Alegría. Véhiculé par un Président, ce serait un discours très impopulaire si l’on sait que Fe y Alegría est profondément enraciné dans les secteurs marginalisés, et, de plus, je pense que ce que ces politiques ressentent est une vraie estime, si on laisse de côté les considérations et les complications auxquelles ils doivent faire face dans leur rôle politique. Bien que nous n’ayons pas de données statistiques pertinentes, nous pouvons dire à cet égard que de nombreux diplômés des écoles de Fe y Alegría occupent aujourd’hui des postes de responsabilité sur le plan politique et techhttp://wuja.org/wp-admin/post.php?lang=fr&action=edit&post_type=post&post=1151nique, y compris dans les cercles gouvernementaux des gouvernements dits populistes.
6. Quels sont les défis de Fe y Alegría?
Fe y Alegría a conservé jusqu’à aujourd’hui la vitalité et l’enthousiasme qui ont caractérisé l’organisation depuis sa fondation. Le terme ‘frontière’ est le trait principal de son activité actuelle eu égard au défi de fournir une offre d’éducation de la plus haute qualité tout en réalisant une intégration plus forte et meilleure des groupes exclus socialement ou culturellement. Au travers de sa présence dans la plupart des pays latino-américains et des Caraïbes, sa priorité actuelle est de renforcer sa mission éducative et sociale en Afrique et à Madagascar. Nous subissons aujourd’hui un changement crucial de paradigme et nous devons réaliser qu’approcher les plus pauvres doit s’accompagner d’un usage compétent des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Pour éviter de répéter le passé, nous devons nous livrer à des réflexions profondes et inclusives. C’est pourquoi nous avons lancé un processus d’innovation institutionnelle qui nous permet de rester au coeur de Fe y Alegría, tout en adoptant une nouvelle approche du management, basée sur l’utilisation responsable des ressources modernes.