« Cartographie » de la Province de France de la Compagnie de Jésus et des Anciens Élèves de ses établissements d’éducation
La Province de France
1. Hier :
En forçant un peu l’histoire, on peut dire que la Compagnie de Jésus était déjà en France, « en germe », avant sa naissance officielle, quand « ses six premiers compagnons » emmenés par Ignace, alors tous étudiants à l’Université de Paris, vinrent, le 15 août 1534, du quartier latin où ils étudiaient (sur la rive gauche de la Seine), sur la colline de Montmartre (au nord de Paris) : c’est là, dans une chapelle dédiée au premier Evêque de Paris, Saint Denis (qui y fut martyrisé par les occupants romains au 3ème siècle après Jésus-Christ), qu’ils prononcèrent, au cours d’une messe célébrée par Pierre Favre, le seul prêtre parmi eux, leur « premier vœu ».
On pourra se reporter au tout récent petit guide du Père Bernard Gillibert sj, « Promenades dans le Paris ignatien », pour en savoir plus sur cette Crypte du Martyrium (nom actuel de cette chapelle), ainsi que sur les autres lieux ignatiens du Paris d’hier qu’on peut retrouver dans le Paris d’aujourd’hui (notamment, l’emplacement sur la « Montagne Sainte Geneviève » des Collèges Montaigu et Sainte Barbe (où Ignace a été étudiant), la Chapelle du Collège Dormans-Beauvais (où François-Xavier a été régent), l’emplacement du 1er collège jésuite de Paris, le collège de Clermont (aujourd’hui, le Lycée Louis le Grand), l’emplacement du 1er noviciat (non loin de l’Eglise Saint Sulpice), l’Eglise Saint Louis (la 1ère Eglise jésuite à Paris), le lieu de la résidence jésuite au 19ème siècle (à l’emplacement de l’Eglise Saint Ignace d’aujourd’hui, rue de Sèvres).
2. Aujourd’hui :
478 ans après cet événement, après aussi les vicissitudes politiques et ecclésiales du 18ème siècle (l’expulsion des Jésuites de France en 1764 et la suppression de la Compagnie de Jésus par le Pape Clément XIV en 1773) et du début du 20ème siècle (leur exil presque forcé hors de France à la suite de la législation anti-congréganiste prise entre 1901 et 1904 par le gouvernement de l’époque, visant notamment à contrôler l’influence des congrégations religieuses enseignantes sur la jeunesse française), elle est toujours là et bien là, revenue de facto en France lors de « l’Union Sacrée » de la première guerre mondiale (« 650 jésuites rentrent alors d’exil, bon nombre sont mobilisés et 163 y ont laissé leur vie »), la Province de France ayant été en 2001 reconnue légalement en France par un décret officiel ; son périmètre couvre aujourd’hui, en dehors de « l’Hexagone », la Grèce, le Maghreb, l’Ile Maurice et la Réunion ; elle fait partie de l’Assistance de l’Europe de l’Ouest avec les Provinces suivantes : Belgique Nord, Belgique Sud, Grande Bretagne, Canada anglais, Canada français, Irlande, Malte, Proche-Orient, Pays Bas ; elle fait partie de la Conférence des Provinciaux européens (une des 6 Conférences régionales de Supérieurs Majeurs existantes au sein de la Compagnie), étant consciente que son « espace apostolique » est, à beaucoup d’égards, devenu européen », car, comme le précise un de ses anciens Provinciaux, « penser et agir apostoliquement comme « européens » n’est pas un choix qui serait plus ou moins fonction des options ou convictions des uns et des autres : c’est une nécessité si nous voulons vraiment répondre, comme jésuites européens, aux enjeux d’une Europe fragile et incertaine mais qui demeure dans le monde et dans l’Eglise l’objet d’attentes et d’espoirs à la mesure de son histoire. »
Les Jésuites de la Province de France ils sont aujourd’hui 485 dans les diverses communautés qui la composent et il y a 74 Jésuites français servant dans d’autres Provinces, et 69 étudiants étrangers au Centre Sèvres (Institut de recherche et d’enseignement de la Compagnie de Jésus situé à Paris) œuvrent dans des apostolats de plus en plus diversifiés :
il y a d’abord leur présence dans l’apostolat éducatif : dans 15 établissements scolaires (à Amiens, Avignon, Bordeaux, au Mans, à Lyon, Marseille, Paris, Reims, Saint Chamond, Saint-Etienne, Toulouse et Versailles), dont les responsables sont depuis 2008 regroupés au sein d’une association nationale, l’Association Ignace de Loyola Education ; la tutelle jésuite est exercée par une équipe, elle aussi nationale, dont le responsable,actuellement un laïc, salarié à temps complet, est nommé par le Provincial, la formation à la pédagogie ignatienne (pour les personnels de ces établissements) étant, quant à elle, assurée par un organisme spécialisé, le Centre d’Études Pédagogiques Ignatien (« qui regroupe avec les établissements d’autres congrégations fondatrices ou associées, 150 établissements scolaires comptant plus de 68.000 élèves ») ; pour l’enseignement supérieur, ils sont aussi présents, outre au lycée Sainte Geneviève (à Versailles) (qui prépare aux « grandes écoles »), sur les 3 sites français (à Lille, Nantes et Toulouse) de l’Institut Catholique des Arts et Métiers (Icam) qui forment des ingénieurs généralistes et bientôt, après son développement international en Afrique, Pologne et Inde, sur un 4ème site qui sera ouvert en Ile de France (Paris-Sénart), ainsi qu’à l’École des Ingénieurs de Purpan (à Toulouse) qui forme des cadres et responsables, notamment pour l’industrie agro-alimentaire ; pour compléter leur présence comme aumôniers auprès des étudiants de certaines « grandes écoles » (École Centrale, École Polytechnique, HEC, ESSEC, Institut d’Etudes Politiques…), il a été créé un Centre d’accompagnement pour les étudiants de l’Université de Paris 8 (à Saint Denis, périphérie nord de Paris) « qui compte 27.000 étudiants dont 27% sont étrangers et 50 % sont des Français d’origine étrangère » -, le Cised, qui est actuellement, avec deux associations « Coups de Pouce-Université (à Lyon et à Grenoble), devenu une œuvre prise en charge par la Communauté Vie Chrétienne de France ; la Province a aussi organisé un autre réseau, le réseau Loyola Formation, pour regrouper 4 centres de formation professionnelle, trois écoles de production, des réseaux d’associations d’accompagnement à la scolarité auprès de jeunes et de parents de milieux défavorisés, les Associations Jeunesse Éducation (les AJE) et les Associations pour accompagner vers la réussite les parents et les jeunes (les ARPEJ) ; ils sont aussi présents dans divers mouvements apostoliques auprès des jeunes, le Mouvement Eucharistique des Jeunes (MEJ), le Réseau Jeunesse Ignatien (RJI) qui, entre autres propositions, anime en diverses villes de France (à Paris, Toulouse…) des célébrations liturgiques dominicales principalement destinées aux jeunes, « la Messe qui prend son temps » … ; des Jésuites œuvrent aussi dans des Centres destinés à compléter la formation humaine et spirituelle des étudiants poursuivant un cursus universitaire en médecine et/ou pharmacie, le Centre Laënnec (à Paris), la Maison des étudiants catholiques (à Lyon), le Centre Culturel Médical Augustin Fabre (à Marseille) ; enfin, la Province anime un service de volontariat international, Jeunes Volontaires Internationaux qui propose aux étudiants et jeunes professionnels de partir à l’étranger pour une durée de 4 mois à 2 ans, sous l’égide de la Délégation Catholique pour la Coopération (DCC), leur mission consistant à servir des populations défavorisées en Afrique, Amérique Latine, Asie, Proche Orient, mission pendant laquelle ils peuvent bénéficier d’un accompagnement spirituel (la DCC Spi) assuré par des Jésuites.
On peut dire que la Province tient à cet apostolat éducatif auprès de la jeunesse (qui l’ a fait connaître dans la société et l’Église comme experte en éducation humaine et spirituelle !) et qu’elle tient à l’assurer aujourd’hui en partageant mission et responsabilité avec, d’une part, des collaborateurs laïcs (dont, à ce titre, des anciens élèves engagés dans des fonctions et services divers au sein de ces établissements d’éducation et des autres œuvres) et, d’autre part, avec d’autres congrégations religieuses, masculines ou féminines, vivant de son charisme propre ; mais cet apostolat n’est plus le seul à absorber les ressources humaines de la Province de France, lesquelles ne se renouvellent sans doute pas assez aujourd’hui comme c’est aussi le cas dans les divers pays d’Europe, eu égard aux besoins de ces œuvres éducatives, ainsi qu’au besoin de formation (pour les prêtres, religieux et laïcs, hommes et femmes) de plus en plus demandés à la Compagnie par l’Eglise de France ou d’autres pays ;
– Nombre des siens sont en effet à ce titre engagés dans l’apostolat intellectuel, le dialogue incessant avec la société étant toujours à reprendre dans l’Eglise entre Foi et Raison en fonction des évolutions techniques et culturels des sociétés humaines et, aujourd’hui, dans le contexte de la mondialisation facilitée par le développement et la diffusion de la toile internet et des applications qui l’utilisent ; cet apostolat couvre les divers champs de la culture, de la philosophie, de la réflexion éthique et sociale, et bien sûr, de la théologie ; cet apostolat s’exerce via, d’une part, la rédaction et l’édition de revues comme Études (revue à dominante culturelle), Christus (revue de spiritualité ignatienne), Croire Aujourd’hui (revue de réflexion chrétienne à destination du grand public), toutes trois éditées en partenariat avec le groupe Bayard Presse sous le timbre de la Société d’Éditions de Revue, et encore, Archives de Philosophie (revue historico-critique sur l’histoire de la philosophie et les tendances d’aujourd’hui), Recherches de Science Religieuse (pour la recherche théologique), Laënnec (revue de réflexion du Centre Laënnec sur la santé et l’éthique bio-médicale)…, et, d’autre part, les tâches d’enseignement de ces champs du savoir au sein de ses Facultés théologiques du Centre Sèvres (à Paris) ;
– suite aux décisions des dernières Congrégations Générales, l’ apostolat social s’est aussi développé et structuré, avec le Ceras (Centre de recherche et d’action sociales situé à Saint Denis) et sa revue Projet, et avec une récente initiative du Service Jésuite des Réfugiés France auprès des réfugiés, le projet Welcome qui aide à l’accueil de réfugiés dans des familles ou des communautés, service de présence ecclésiale et d’entraide d’autant plus nécessaire qu’ il y a de plus en plus de personnes de tous pays à demander asile ou protection ou simplement du travail à nos pays d’Europe développés et en paix ; en Afrique, il existe aussi en Côte d’Ivoire, le Cerap (Centre de Recherche et d’Action pour la paix), basé à Abidjan et qui a ajouté à ses deux départements existants (un centre de documentation et un service d’action sociale en milieu urbain) deux autres départements : les Éditions du Cerap qui publient mensuellement, Débats-Courrier d’Afrique de l’Ouest, et l’Institut de la dignité et des droits humains, reconnu établissement privé d’enseignement supérieur, qui a aussi formé des étudiants en troisième cycle universitaire, répondant ainsi « aux besoins de formation et de recherche, tout en maintenant avec force ses valeurs ignatiennes ».
– l’apostolat spirituel reste aussi un pôle majeur de la présence des Jésuites en France, d’abord, dans 14 Centres spirituels (où, aux côtés des Jésuites, « sont engagés de manière permanente ou partielle entre 500 et 600 personnes (hommes et femmes, laïcs, religieuses »), et aussi dans des groupes diocésains (où se côtoient diacres et prêtres, en plus des laïcs et religieuses) ; il y a aussi l’Apostolat de la Prière, qui est une mission confiée à la Compagnie de Jésus par le Pape et qui, en France est une association reconnue par l’Église depuis 1849, aujourd’hui présente dans 71 pays, au service de la «nouvelle évangélisation») ; mentionnons aussi des apostolats en paroisses (comme curés), la présence de Jésuites en milieu populaire (où ils participent à la vie associative locale), ou auprès des prisonniers, dans des mouvements spirituels pour laïcs comme la Communauté Vie Chrétienne (CVX), le Mouvement des Cadres et dirigeants chrétiens (MCC), les Équipés Notre Dame (mouvement international de spiritualité conjugale et qui a été fondé en 1938 par 4 jeunes couples et l’abbé Caffarel pour « réfléchir sur le sacrement du mariage et la vie conjugale » ) ; pour accompagner le travail des Jésuites de la Province en mission à l’étranger, il existe à Paris un Service Jésuite international qui publie régulièrement une revue, Jésuites en mission. cette liste de « missions » est loin d’être exhaustive (il y a aussi parmi les Jésuites de la Province comme il y en a toujours eu à d’autres époques des personnalités originales, aux talents divers, à la compétence socialement reconnue, comme des artistes, des poètes, des scientifiques, des chercheurs, des juristes, des écrivains, des spécialistes de liturgie, ou même de navigation en mer, la théologie de la Compagnie étant, comme on le sait, sensible à ce qu’il n’y ait pas de frontière infranchissable entre sacré et profane au nom même de l’œuvre créatrice de Dieu (en témoignent la personnalité et l’œuvre du Père Teilhard de Chardin, en l’honneur de qui une « chaire » a été créée au Centre Sèvres) ; cette liste ne cesse de se compléter au fil des années dans des lieux où la présence jésuite est requise et souhaitée, avec l’orientation confirmée lors de la dernière Congrégation Générale d’aller à ces nouvelles « frontières », que sont aujourd’hui le dialogue inter-religieux, la présence auprès de personnes ou de jeunes fragilisés par la pauvreté, l’absence de soutien parental ou les difficultés d’insertion dans une société culturellement étrangère, le dialogue avec une société globalement « déchristianisée » et « en crise » (de sens ou de projet), avec la nouvelle société mondialisée façonnée par les images transmises en temps réel et la communication libre et instantanée permise par internet et ses diverses applications : en ce domaine, sans doute sur la base de cette conviction que « quiconque n’existe pas médiatiquement n’existe pas socialement », la Province s’est très vite appropriée ces nouveaux outils incontournables aujourd’hui pour assurer aussi sa présence et son apostolat sociétaux ; après les avoir créés, elle les modernise sans cesse, qu’il s’agisse de son site propre (www.jesuites.com), ses pages Facebook, son compte tweeter, le site Notre Dame du Web, premier centre spirituel francophone ignatien sur internet, sans oublier les applications pour ces nouveaux téléphones qui « ressemblent de plus en plus à des ordinateurs », et qui constituent « un tout autre monde qui surgit sous nos yeux et se met en place sans que nul ne puisse prédire quel paysage durable il prendra ».
Les Anciens Elèves
Ils ont leurs structures associatives propres : il y a d’abord au plan local, auprès des établissements scolaires actuellement sous tutelle jésuite, des associations d’anciens élèves ( à Amiens, Avignon, Bordeaux, au Mans, à Lyon, Marseille, Paris, Reims, Saint-Etienne, Toulouse, Versailles), auxquelles s’ajoutent les associations des anciens élèves des établissements confiés par les Jésuites à des diocèses ou fermés (à Nantes, Lille, Metz, Sarlat, Vannes) et celles issues d’établissements d’enseignement Supérieur (Association des Ingénieurs Icam, Association des Ingénieurs de Purpan) ; celles-ci sont regroupés au sein d’une Fédération Nationale, la Fédération Française des Anciens Élèves et Amis des Établissements Jésuites d’éducation (FFAAEJE), qui est, depuis sa création, membre actif de la Confédération Européenne et de l’Union Mondiale des Anciens Éleves, en ayant été l’une des instances fondatrices ; elle accueille aussi en son sein comme membre associé l’Association des Anciens de Notre Dame de Jamhour (Beyrouth au Liban) vivant en France et en Europe (AJFE) ; elle fait aussi partie de la Confédération Française des Anciens Élèves et Amis de l’Enseignement Catholique, qui regroupe en France les associations locales des anciens élèves des établissements, diocésains ou congréganistes, les unions diocésaines (qui les regroupent au niveau d’un diocèse) et des Fédérations nationales congréganistes ; la Fédération Française cherche présentement à relier en réseau ces associations locales et à travers elles, leurs membres, en utilisant pour ce faire les moyens de communication d’internet d’aujourd’hui (messagerie électronique, site internet, réseaux sociaux…), et ceci, pour maintenir les liens d’amitié, communiquer plus fréquemment sur ses activités ou celles des diverses associations membres, échanger des idées et des bonnes pratiques de gouvernance associative, partager sur des projets, des soucis communs, mutualiser des ressources, collaborer à des initiatives, informer sur les activités européennes et mondiales (notamment, sur les Congrès) …tout en s’efforçant de répondre aux appels à servir dans les divers apostolats évoqués ci-dessus de la Province de France, et bien sûr, dans celui de l’apostolat éducatif de la Province en participant à ce titre à la mise en œuvre du projet éducatif ignatien actualisé en 2010 au sein de l’Association Ignace de Loyola Éducation (cf le document « Les caractéristiques d’un établissement d’éducation jésuite »), le Président de la Fédération étant membre de droit de cette Association ; ils sont explicitement invités par la Province de France, à faire partie de la grande « famille ignatienne » (avec d’autres mouvements ou œuvres d’inspiration ignatienne) qui s’est constituée peu à peu en France, au sein de l’Église et que des rassemblements nationaux, à Lourdes notamment, ont contribué ces dernières années à faire naître et croître, pour le partage de la mission et l’enrichissement de chacun d’entre eux, « cette proximité conduisant aujourd’hui les uns et les autres à collaborer dans ces apostolats et à apprécier la manière propre de chacun de vivre le charisme d’Ignace », et ce, « pour une plus grande gloire de Dieu » (AMDG).