Témoignage à propos du Congrès de Cleveland
« Unir nos frontières »
Quelle plus belle façon de commencer l’été que par le congrès quadriennal de WUJA ? Fondée à Bilbao en 1956 dans le but de commémorer le 400e anniversaire du décès de saint Ignace de Loyola – fondateur de la Compagnie de Jésus et inspirateur de la spiritualité qui porte son nom – la « World Union of Jesuit Alumni » (l’Union Mondiale des anciens élèves des jésuites) rassemble des anciens élèves et étudiants, mais aussi des amis des jésuites afin de former des réseaux internationaux et de réfléchir aux façons de promouvoir la paix et la justice dans un monde mieux connecté et plus durable. Pour rendre ses objectifs plus efficaces, WUJA a mis sur pied des congrès, triduums haletants durant lesquels nous sommes amenés à nous interroger et à nous instruire, non seulement sur le fondement de la spiritualité ignacienne mais aussi et surtout sur son influence dans le monde au travers de domaines parmi les plus divers, tels que les affaires, le droit, la santé, les services, les arts, etc.
Après deux premiers congrès organisés à Rome (lieu où siège le supérieur général) en 1967 et à Versailles en 1986, WUJA a décidé d’ordonner ses rencontres mondiales de façon cyclique en passant d’une grande région géographique à l’autre, afin de pouvoir toujours mieux nous interconnecter. Commençant par l’Europe en 1991 à Bilbao, elle se rendit ensuite à Sydney (Asie du Sud-Est) en 1997, puis à Calcutta (Asie méridionale) en 2003, Bujumbura (Afrique) en 2009, et Medellin (Amérique latine) en 2013. Depuis l’édition burundaise, WUJA a souhaité organiser ses congrès tous les quatre ans. C’est pourquoi nous avons eu le bonheur de pouvoir participer à celui de cette année, organisé pour la première fois dans la région Amérique du Nord. Rendez-vous est donc déjà pris à Barcelone dans quatre ans pour entamer le deuxième tour des régions en recommençant par la région Europe, au pays natal de saint Ignace. Un retour aux sources, en quelque sorte…
Nous voilà donc partis en cette toute fin du mois de juin pour Cleveland (Etats-Unis), capitale éphémère de la sphère jésuite, sous une chaleur presqu’insoutenable – si caractéristique de ce climat bipolaire de la région des Grands Lacs – qui nous mît dans un état proche de l’Ohio… Bien loin toutefois d’avoir le moral à zéro, nous fûmes d’abord regroupés entre jeunes à l’occasion d’une réception liminaire animée par Christopher Lowney. Ancien managing director de JP Morgan et actuel président du conseil d’administration de Catholic Health Initiatives, un des plus larges systèmes de soins de santé des Etats-Unis, il est aussi et surtout l’auteur du best-seller « Heroic Leadership », traduit en 11 langues et relatant les raisons pour lesquelles la Compagnie de Jésus a développé dès sa naissance une remarquable tradition de leadership.
Parmi les autres intervenants de marque qu’a regroupés cette session 2017, nous ne pouvons pas ne pas évoquer quelques jésuites marquants qui prirent part au congrès. En premier lieu, le Père Arturo Sosa, S.J., 31e Supérieur général de la Compagnie de Jésus, qui a pris plus de deux heures pour répondre à nos questions via webcam depuis son siège romain : « Nous sommes appelés à adopter une attitude de rencontre, à sortir de notre manière d’agir habituelle, à imaginer des façons de toucher les gens là où ils sont », a-t-il notamment précisé. Soulignons également l’excellente keynote (« The World is our home ») du Père Timothy P. Kesicki, S.J., natif d’Erié, au bord du lac du même nom dont Cleveland partage également les berges, et qui a étudié à l’Université John Carroll de Cleveland où se tenait notre congrès. Le Père Kesicki est désormais le Président de la Conférence des Provinciaux jésuites du Canada et des Etats-Unis, dont le siège est à Washington, D.C., après avoir été au conseil d’administration du JRS (Jesuit Refugee Sevice). Le Père Gregory J. Boyle, S.J., quant à lui, a témoigné de son action dans la réinsertion sociale d’anciens membres de gangs des quartiers pauvres de Los Angeles, par le biais de ses boulangeries, Homeboy Bakeries, qui connaissent un succès toujours grandissant, servant plus de 10.000 personnes chaque année. Pour son action, il a d’ailleurs reçu la « Laetare Medal » 2017 de l’Université Notre-Dame, plus vieille et plus prestigieuse récompense offerte aux catholiques américains. Enfin, le Père Peter Balleis, S.J., ancien président international du JRS durant 8 ans et aujourd’hui travaillant à JWL (Jesuit Worldwide Learning) où il se charge de fournir des programmes d’enseignement à distance, offrant une certification à ceux qui vivent dans des camps ou dans des endroits où l’enseignement supérieur n’est pas accessible.
A côté de ces brillants orateurs, des dizaines de sessions concurrentes étaient organisées (2x/jour : matin et après-midi), animées par des professionnels du métier et des professeurs d’universités sur des sujets parmi les plus variés et dédiées à approfondir notre « sense of duty » vis-à-vis d’un monde en constante mutation et bien souvent en manque de repères solides. A titre personnel et ne pouvant assister à toutes, nous avons, à titre d’exemple, suivi une conférence intitulée : « Entreprenariat social : Oser faire confiance aux personnes moins bien nanties pour faire émerger de nouveaux projets et ainsi créer de l’emploi », et animée par trois anciens et/ou professeurs d’institutions jésuites américaines ; ou encore une autre : « Ce qui se fait de mieux dans la Mission et les Activités de l’éducation supérieure jésuite ». Mais la conférence qui nous a assurément plu, c’est le « Young Alumni Media Panel » où nous avons pu pendant plus d’une heure poser nos questions à trois professionnels de médias américains représentant NBC News, RealClearPolitics et America Media. Au total, nous aurons eu droit à une trentaine d’ateliers et à plus de 60 intervenants. En trois jours, quel bel exploit !
Mais les congrès mondiaux de WUJA, au-delà de leur aspect nécessairement instructif, sont également et surtout des lieux de rencontre et de réseautage. Venir aux Etats-Unis, c’est l’occasion de découvrir la véritable force que constitue le réseau jésuite américain et leurs branches JRS, ISN (Ignatian Solidarity Network), ainsi que la maison d’édition Loyola Press et évidemment les grandes universités jésuites américaines, telles que Georgetown, Fordham, Santa Clara, Loyola, Boston College, Holy Cross, etc. Pour nous permettre de nous rassembler de façon conviviale et de faire connaissance avec les quelques 500 participants présents, l’équipe de cette édition 2017 n’a pas lésiné sur les initiatives de qualité : soirée « Palooza » autour de food trucks, gala au Rock&Roll Hall of Fame, must-see de Cleveland, première avec orchestre de l’oratorio ‘Emerging Universe’, et même un match de baseball !
A cette occasion, nous avons aussi pu faire la connaissance d’anciens plus proches géographiquement, tels Mathilde Wattier, ancienne du collège Saint-Stanislas de Mons, et Arnaud Hoc, ancien du collège Notre-Dame de la Paix d’Erpent, venus consolider la délégation belge. Unis à Clément Haag, conseiller académique de l’Université d’Avignon et des Pays du Vaucluse, nous formions une jeune bande francophone prête à embrasser tout ce que ce WUJA congress made in USA avait à nous offrir.
Evidemment, nous ne pouvons terminer ce récit sans parler de notre rencontre avec un autre ancien du collège Saint-Michel, à savoir le président du WUJA, Alain Deneef, qui d’ailleurs fut réélu à la tête de l’organisation pour un nouveau mandat de quatre ans. En épilogue de cette édition 2017, nous partîmes à deux, accompagnés un temps d’anciens élèves congolais présents à Cleveland, sur les routes du Midwest : Detroit – Columbus – South Bend (Notre-Dame University) – Chicago, où nous avons profité d’un fabuleux feu d’artifice ponctuant les festivités du 4 juillet – jour de la fête nationale américaine –, puis jusqu’à Saint- Louis via la très fameuse Route 66, dans le Missouri, où nous avons eu la grande satisfaction de visiter un musée dédié à la vie jésuite du temps de la Conquête de l’Ouest, musée lui-même attaché à l’Université Saint-Louis, elle aussi jésuite, bien évidemment. Nous nous quittâmes à Indianapolis, mais ce ne fut qu’un au revoir destiné à nous revoir bien vite autour de futurs projets, au service d’autrui.