01/10/2014
Experiments Medellin – 2013

Pendant quatre jours, du samedi 10 au mercredi 14 aout 2013, j’ai partagé avec les jeunes ex alumni de 4 coins du monde, une 2ème expérience de vie qui m’a édifiée.
De prime abord, j’ai été énormément frappée par une grande qualité manifestée par les Colombiens; une qualité que je ne saurais omettre : l’hospitalité ou mieux la courtoisie en général, accompagnée toujours d’un large sourire.

Étant de nature timide, cet accueil chaleureux, qui m’a ouvert les portes du pays, ce sourire sincère, m’ont réellement facilité l’intégration et m’ont permis de me sentir chez moi en Colombie.

Je suis de la RD Congo. Ma langue officielle est le français. Je parle aussi anglais. Après avoir passé quelques journées de tourisme dans ce pays où presque tout le monde ne parle qu’espagnol, je me demandais comment allaient se passer les expériments, quel en serait le visage ? Comment se passeraient les échanges avec ceux que je rencontrerais ? Comment je pouvais réellement apprendre des Colombiens, si nous parlions deux langues différentes.

J’ai rapidement été apaisée, une fois arrivée à Mandallay ;
village où se sont passés nos expériments. J’ai vite compris que la langue ne pouvait constituer un frein pour moi car elle n’était pas le seul moyen de communication à ma disposition. J’ai réalisé que c’est par notre nature même qu’on peut réellement apprendre au prochain, donner au prochain. Que c’est dans la manière d’être et de vivre, dans la manière de se donner dans les rapports avec autrui ; dans les égards et les considérations que l’on témoigne spontanément aux autres, que nous pouvons les rendre capables de se transformer par eux mêmes.

Et ceci, je l’ai appris des enfants. Ces enfants avec qui j’ai partagé de réels moments de joie en jouant au football; ces autres enfants qui se sont amusés à maquiller et à peindre mon visage ; ces enfants qui ont accepté de partager ma culture dans une ambiance gaie, en apprenant une chanson en langue ‘swahili’ et une danse du ‘Bushi’, ma tribu ;

Ce sont ces petits enfants avec qui je m’exprimais en mimique ou encore en nous égayant avec des jeux enfantins dans la cour de la paroisse de Mandallay, paroisse du diocèse de Caldas, où nous avons été reçus et encadrés par le curé Diego et tous les paroissiens à qui je dis au nom de tous : Merci !
Je pense que c’est en cela que réside le vrai partage, celui d’offrir aux autres ce que nous sommes.

Je me rappelle d’une matinée pluvieuse au cours de laquelle, avec les autres jeunes, j’ai été accompagner une soeur missionnaire pour donner l’eucharistie aux malades qui ne peuvent se rendre à la messe à l’Eglise. Cette expérience a été pour moi l’une des plus émouvantes.
En effet, comment ne pas s’émouvoir à la vue de ces personnes abandonnées à leur propre sort, qui mènent une vie si misérable, qui s’entassent pour pouvoir survivre, qui n’arrivent à bien manger que lorsque la chance leur a souri et qui, malgré ces conditions de vie, gardent toujours le sourire large et la Foi ferme en Dieu. Ils ne laissent pas s’éteindre l’espérance dans leurs vies. Cette espérance dont ne cesse de nous parler le pape François.

La tasse de café qu’elles nous présentaient parfois a eu une grande signification pour moi et a suscité même un questionnement profond.
Je me suis sentie coupable de mon insouciance, du manque de compassion devant de telles personnes, très nombreuses pourtant dans les quartiers populaires de la ville où j’habite, la ville de Bukavu en province du Sud-Kivu.
Ces personnes que je croise quotidiennement à tous les coins de rue et auxquelles je ne prête cependant pas d’attention parce qu’étant très préoccupée par mes propres soucis.

Cette vieille dame, ce jeune garçon qui m’a proposé la tasse de café, m’ont appris que tout le monde peut donner.

Comme le disent certains, la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Sur le même sujet, un proverbe Congolais dit que : « Si tu as de nombreuses richesses, donne ton bien ; si tu possèdes peu de richesses, donne ton coeur.» Il n’est pas question d’attendre de devenir riche ou voir se réaliser tous ces projets ; attendre de pouvoir gagner beaucoup d’argent pour se mettre réellement au service des autres. Ce n’est pas l’argent qui compte le plus mais plutôt l’humanité en soi. Sinon pourquoi toutes ces personnes continueraient à paraître heureuses dans ce monde plein d’injustices?

Un autre aspect que je voudrais relever ici est la fraternité dans laquelle nous avons vécu pendant les expériments. Nous nous connaissions à peine – mis à part certains jeunes avec qui j’ai été aux expériments du congrès de Bujumbura en 2009. Ces expériments organisés au Burundi avec les jeunes du Lycée Saint Esprit, au Rwanda et en RD Congo dans ma ville avec les jeunes du collège Alfajiri, nous avaient permis de comprendre que nous étions une Force, une Grâce pour la jeunesse, et un avenir meilleur pour tous ceux qui veulent vivre l’Amour et le Service pour la plus grande gloire de Dieu. Je ne saurais exprimer le plaisir qui a été le mien de les revoir encore une fois.

À Mandallay, nous avons vécu ensemble dans une grande salle. Nous avons dormi côte à côte, nous avons partagé lit, douche, tables, nourriture : nous étions et resterons frères.

Cette expérience m’a aidé à comprendre que tous les élèves des Jésuites étaient un : un seul corps, dans une chapelle pour reprendre les mots du Révérend Père Général. Cet aspect qui nous différencie des autres, l’Unité, doit être conservée, protégée et promue. Nous sommes tous les mêmes, malgré nos différences, nos origines, nos cultures et cette complexité nous permettrait de faire avancer notre humanité.
On m’a demandé de faire un témoignage de ce que j’ai vécu, ressenti, appris pendant les quatre jours des expériments, je ne saurais être exhaustive parce que l’expérience a été d’une grande complexité.

Père Arrupe nous dit: «on ne peut pas parler des pauvres sans avoir fait l’expérience avec les pauvres ». Je souhaite vivement à d’autres jeunes d’avoir prochainement cette occasion qui nous a été offerte de pouvoir partager des moments chaleureux avec les plus démunis.
Comme me le rappelait encore une amie hier, les vrais héros sont souvent dans l’ombre. A Vous tous, Eric de Langsdorff, Charles Bisimwa, Alain Deneef, François-Xavier Camenem, Naresh Gupta, feu Tom Bausch et vous tous anciens du collège Alfajiri, je dis Merci pour cette expérience que vous avez rendue possible. Parce que vous avez accepté d’être les instruments que Dieu voulait utiliser, je suis ici. Je remercie aussi mes compagnons et compagnes des expériments : Mulinganya Kelly-Grace avec qui, main dans la main, nous avons commencé la préparation de ce voyage depuis des mois; Luza Bustamante qui est devenue plus qu’une sœur pour moi, Juan Camilo, Sébastien Schindler, Fabio Campos, Daniel Vasquez, Estephania Chamaro, Ana Vasquez, Jaime Zea, Kelly Montaya, Estefii Montoya, Julie et vous tous avec qui nous avons passé ces merveilleux expériments. Je remercie enfin tous ceux qui, de près où de loin, m’ont permis de faire cette expérience.

Je finis mon allocution par ces mots du Pape : Vous, chers jeunes, vous êtes particulièrement sensibles aux injustices, mais souvent vous êtes déçus par des faits qui parlent de corruption, de personnes qui, au lieu de chercher le bien commun, cherchent leur propre intérêt. À vous aussi et à tous, je répète : ne vous découragez jamais, ne perdez pas confiance, ne laissez pas s’éteindre l’espérance. La réalité peut changer, l’homme peut changer. Cherchez, vous les premiers, à apporter le bien, à ne pas vous habituer au mal, mais à le vaincre. L’Église vous accompagne. »

Puissent ces phrases nous guider dans tout ce qui nous arrivera. Qu’à la suite de St Ignace de Loyola, avec tous ceux qui se retrouvent sur notre parcours, nous soyons des instruments de Paix, de Justice, d’Espérance et d’Amour pour la Plus Grande Gloire de Dieu.

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