En « Europe de la poignée de main » La fraternité Stanislas Kostka

La Fraternité Stanislas Kostka prit naissance en Belgique, à Angleur (Liège) en juillet 1991, dix-huit mois après la chute du « mur européen ». Son objectif initial ? Porter aide, durant la guerre des Balkans, aux victimes de l’éclatement de l’Ex-Yougoslavie.

Les anciens élèves de plusieurs collèges de Belgique-Sud se souviennent de l’opération « Un toit par toi » qui les mobilisa. Le résultat ? Vingt-huit toits reconstruits à Gruda, village à l’extrême sud de la Croatie incendié en 1992, l’envoi d’appareils électroménagers aux familles les plus sinistrées (lessiveuse, cuisinières etc…), le développement d’une coopérative équipée de douze machines agricoles et, de façon plus tangible, trois chantiers de reconstruction de maisons auxquels une trentaine de jeunes Belges de nos collèges et universités prirent part, durant leurs vacances d’été.

Des relations, nouées en ce temps, perdurent aujourd’hui entre Gruda et la F.S.K. Pour ceux qui participèrent aux camps de travail comme pour les habitants de ce village qui les accueillirent, le mythe de l’intégration de mentalités européennes différentes devenait réalité.

Mais, pendant ce temps du début des années ’90, un autre projet prenait corps : la constitution de bourses d’études pour permettre à des jeunes d’Europe centrale et orientale de venir faire des études supérieures en Belgique. Des familles belges séduites par le projet hébergèrent chez elles les premiers étudiants pendant que des professeurs et personnes de nos institutions les aidaient à élaborer leur programme d’études. Vingt ans plus tard, le bilan des activités de la F.S.K. confirme l’intention de ses débuts.

Après des siècles de conflits et de déchirements, l’initiative et le courage de quelques états européens eurent un effet catalyseur qui mit fin à la barrière européenne tout aussi symbolique que dramatique : le mur tombait enfin le 9 novembre 1989 ! Cette « victoire sur la division » supposait qu’elle soit soutenue par une mobilisation rapide de forces positives quelles qu’en soient les origines. La célèbre parole de J.F. Kennedy lors de son investiture le 20 janvier 1961 refaisait surface dans la mémoire des nouveaux européens que nous allions devenir : « Ne te demande pas ce que l’État fait pour toi, mais plutôt ce que tu fais pour l’État ».

A la F.S.K., la question se posa comme un défi : « En tant que personne privée, groupement associatif, entreprise industrielle ou école supérieure, nous avons à faire quelque chose mais quoi ? » Dans une Europe, solidement enracinée dans la culture chrétienne, la F.S.K. entendait servir la cause de la solidarité en s’ouvrant à tous les hommes de bonne volonté dans le respect de leurs convictions ; le leit motiv fut vite choisi « Europe de la Poignée de Main » ! Nous étions en octobre 1991 sans moyens matériels, mais avec un projet dans la ligne des deux dimensions personnelles, – cœur et esprit -, que nos maîtres nous avaient confiées : la F.S.K. essaierait d’apporter sa participation par des « formations universitaires » et des « aides concrètes en terres de pauvreté ».

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Des formations universitaires
A des jeunes de l’Est-européen, la F.S.K. proposait une formation d’enseignement supérieur en Belgique. Ils pourraient ainsi devenir les formateurs de nouvelles générations, les fondateurs d’entreprises nouvelles, les moteurs de la relance économique, les pourvoyeurs d’emplois et donc les acteurs sociaux indispensables au développement de leurs pays tels que l’Europe entière en a besoin de l’Atlantique à l’Oural.

Le programme de la F.S.K. fut notamment relayé lors de deux Congrès des Associations d’Anciens Elèves des Pères Jésuites : celui de Bruxelles en 1993 et celui de Malte en Novembre 2001. La tradition ignacienne, restée vive dans nos associations d’anciens, fut ensuite à la base de l’effet multiplicateur des résultats, au bénéfice, peut-on penser, d’une Europe qui cherche de nouveaux leaders pour se développer dans ses axes sociaux, spirituels et professionnels.

Un projet, donc, qui envisageait un partenariat avec des citoyens d’Europe Centrale libérés des contraintes d’un demi-siècle afin d’œuvrer ensemble à la « formation d’hommes et de femmes pour les autres » et favoriser les échanges culturels entre les futurs cadres des pays concernés et nos Grandes Ecoles et Universités. Les atouts des Collèges dans l’ouverture des mentalités aux enjeux européens nouveaux et le rôle privilégié des associations d’anciens élèves dans leur mission au service de l’homme – « En Todo Amar y Servir » – furent à la base du développement de la F.S.K. et de l’espoir de voir fleurir des échanges européens d’un type nouveau ; en cela, elle s’inscrirait dans la tradition de l’enseignement secondaire et universitaire de la Compagnie de Jésus.

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Du côté des étudiants, le programme supposait évidemment l’aptitude des candidats mais aussi leur engagement à rallier les objectifs humains et sociaux de la Fraternité. C’est bien à des volontaires qu’elle s’adressait, en effet, pour faire le saut « dans l’inconnu de l’autre côté du mur… » pour le temps de leurs études en Belgique, s’engageant à réintégrer ensuite leur pays. A eux d’y témoigner par leur vie professionnelle et familiale l’esprit de service et d’entraide qui prévalut à leur accueil.

Pour garantir au mieux l’exécution du projet, des personnes privées qui connaissent bien la F.S.K., furent contactées dans les sept pays d’origine des premiers candidats. Ces antennes restent actives en Hongrie (Budapest), en Lituanie (Kaunas), en Pologne (Cracovie), en Roumanie (Constanta), et en Tchéquie (Milevsko). En Hongrie, en particulier, un partenariat actif s’est constitué avec l’Akademia Ferenc Faludi, œuvre de la Compagnie de Jésus à Budapest ; c’est avec elle et les FSKistes Hongrois, venus faire leurs études en Belgique, que se développe, depuis l’année 2006, la sélection des candidats Hongrois à une bourse d’études.

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Durant ces vingt années de la F.S.K., 60 étudiants bénéficièrent d’une bourse d’études d’une ou plusieurs années ; ils totalisent entre eux 87 années de formation dans l’enseignement supérieur belge. Elles se répartissent comme suit : 40 en Hongrie, 3 en Lituanie, 4 en Pologne, 21 en Roumanie, 2 en Russie, 14 en Tchéquie, 2 en Ukraine et 1 destinée à une famille sinistrée de Croatie durant le conflit des Balkans. Ces bourses d’études furent financées soit par des personnes privées, soit par des groupements associatifs dont, en majorité, des associations d’anciens élèves des jésuites de la Province de Belgique Méridionale, soit par des entreprises industrielles.

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Des aides concrètes en terres de pauvreté et de nécessité

Parallèlement à l’accueil de ces étudiants, la F.S.K. développa un réseau d’assistance humanitaire dans des
« pays de pauvreté ou de nécessité ». Elle y prit en charge des programmes ponctuels dont l’exécution fut assurée sur place par des jésuites ou des anciens élèves des collèges. En cela aussi, elle fut aidée par des personnes privées et des actions d’entraide menées par les élèves de nos collèges ; ce fut, en particulier, le cas du collège belge Saint-Paul de Godinne dont les élèves prenaient ainsi conscience des réalités dramatiques de régions du globe dépourvues de l’essentiel.

Si en 1996-1997, la F.S.K. put inscrire à son programme la scolarisation de vingt-six orphelines et enfants pauvres de Calcutta, l’année suivante, elle se tournait vers Haïti où fut installé par un ancien de l’Institut Gramme de Liége un monte-charge pour soulager le travail féminin d’exploitation d’une carrière, une table vibrante pour la fabrication de blocs à béton ainsi qu’une presse pour graines oléagineuses. En 1998-1999, six rickshaw motorisés furent fournis à des familles pauvres de Bombay et de Madras. En 1999-2000, une action d’entraide permit la construction et l’équipement d’un local de classe dans une école de Kikwit au Congo. Un an plus tard, avec l’aide d’une association caritative suisse, la F.S.K. put inscrire sur la liste de ses objectifs un programme qui se prolongera à Calcutta jusqu’en 2003 : accès à des soins de santé pour des familles pauvres, construction et restauration d’habitats familiaux, développement de bâtiments scolaires, achat de quatre nouveaux rickshaw et d’une machine à coudre qui sera le moyen de subsistance pour une famille.

La F.S.K. participa également à deux programmes de scolarisation à objectifs sociaux spécifiques : l’un à l’Ecole technique de Adma au Liban pour des enfants handicapés, l’autre à l’école de Kibagabaga au Rwanda pour aider des enfants en retard scolaire.

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Faut-il conclure ?
D’année en année, des « anciens » reviennent au siège de la Fraternité ; autant d’occasion de confirmer les responsables de la F.S.K. de la dimension sociale et relationnelle établie avec « ceux d’hier, devenus responsables de demain »… Ces carrefours liégeois confirment que dans ce microcosme fait de huit nationalités différentes « l’Europe de la poignée de main » est devenue réalité. Occasion aussi d’une mise à jour de ce que sont devenus les anciens : Président et/ou professeurs de Lycée, Assistants d’Universités, Titulaire de Prix de Littérature Française, Directeur d’usine, Chargé de mission en Afrique, Bibliothécaire d’université, Responsable de programme européen dans un Cabinet ministériel, Ingénieur-télécommunication, Chargés de missions à la Commission Européenne, Directeur d’une société d’informatique, Opérateur en marketing e-business, Chercheur universitaire, etc… Sans aucun doute, ces jeunes aux responsabilités grandissantes font bien partie des
« acteurs de transformation sociale » dont la Compagnie de Jésus et les Anciens Elèves ressentent la nécessité pour résorber les disparités économiques et sociales de notre monde. Puisse cette aventure de solidarité se développer comme une réponse aux défis à relever dans nos sociétés en mutation !

Rendons à César ce qui est à César… : si ce programme put se concrétiser, ne fût-ce que dans les proportions modestes évoquées ci-dessus, c’est, en grande partie, grâce à l’encouragement, l’appui et la collaboration d’anciens élèves de Collèges et de Facultés de la Compagnie de Jésus. L’espoir existe aussi qu’à des niveaux plus élevés de responsabilités, ceux qui président aux destinées de nos pays puissent aider des projets similaires à prendre corps pour aider l’Europe à se doter d’une dimension plus sociale.

Avons-nous deviné pourquoi les initiateurs de la F.S.K. ont choisi Stanislas Kostka comme parrain de leur projet ? En 1567, ce jeune polonais de dix-sept ans, envoyé par son père à Vienne pour y étudier, s’enfuit d’Autriche car il voulait devenir prêtre dans la Compagnie de Jésus. De Vienne à Augsbourg et d’Augsbourg à Rome il parcourut à pied plus de mille huit cents kilomètres. Cet européen sans peur ni frontières, n’est-il pas une référence pour des jeunes appelés de partout à sillonner notre continent afin de construire l’Europe solidaire et efficacement rayonnante dont nous rêvons depuis longtemps ?

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